Home » Recherche collective
Category Archives: Recherche collective
Le bibliobus stéphanois, un dispositif d’accès à la lecture publique en reconfiguration vers plus de médiation culturelle
Auteurs: Florian Bonnefoi, Claire Néel, Simon Payen de la Garanderie, Louis Roux, Agathe Sobreiro – Janvier 2017
Le texte de cette recherche peut être chargé en Pdf. Il s’accompagne d’un poster.
« En 1945, la Direction des bibliothèques avait lancé sur les routes de France huit bibliobus, comme on appelle d’un mot, il faut bien l’avouer, assez laid, ces voitures qui portent le pain de l’esprit à domicile »[1]. Cette citation met en évidence certaines des caractéristiques fondamentales du bibliobus. Apportant « le pain de l’esprit à domicile », ce dispositif mis en place par la puissance publique est vu comme un moyen de nourrir l’esprit des plus isolés, d’ouvrir de nouveaux territoires au savoir et à la culture livresque. Prendre pour objet d’étude cet étonnant véhicule, c’est donc s’intéresser à l’action de l’État — et plus largement des pouvoirs publics — dans un domaine particulier, celui de la lecture. À l’époque de sa « préhistoire », selon le mot d’Anne-Marie Chartier et Jean Hébrard (Chartier et Hébrard 2000), le bibliobus apparaît comme un complément des bibliothèques municipales — aujourd’hui médiathèques — qui permet d’atteindre les zones rurales les plus reculées du territoire français. Il se présente donc comme un pan très spécialisé des politiques de lecture publique, et c’est sous cet angle que nous envisageons ici de l’aborder.
De cette orientation rurale des débuts, le bibliobus s’est progressivement ouvert à la ville, vers des quartiers éloignés des bibliothèques, marqués par un déficit d’accessibilité voire une situation d’enclavement, pour lesquels les pouvoirs publics ont perçu la nécessité de son implantation. Ce changement de contexte spatial, s’il a eu des incidences sur les modalités de fonctionnement du service, n’a pourtant pas affecté sa mission et son originalité, notamment dans la proximité avec les usagers, qui fonde sa spécificité en termes de pratiques par rapport aux médiathèques. Le terrain que nous étudions ici s’inscrit dans cette perspective : le bibliobus mis en place par la municipalité de Saint-Étienne dès 1968 dessert des quartiers périphériques ou qui connaissent un déficit d’infrastructures d’accès à la lecture publique. En ce sens, il participe du désenclavement culturel amorcé dans une ville alors en pleine extension. Il s’ancre dans le local en tentant de gommer des disparités infra-urbaines. Le maintien d’un tel dispositif, qui ne concerne finalement que peu de personnes et présente de nombreuses contraintes matérielles, en une période où les contraintes budgétaires sont régulièrement invoquées pour justifier la réduction des services publics, a de quoi étonner. Les spécificités intrinsèques du bibliobus suffisent-elles à expliquer son maintien et, dans une certaine mesure, sa vitalité ? C’est à partir de cet étonnement que nous souhaitons diriger notre étude, en nous demandant dans quelle mesure la mission de diffusion de la lecture publique du bibliobus évolue et se reconfigure dans un cadre contraignant et face aux attentes des usagers.